Régulièrement, vous entendez l’argument «Qui n’a rien à cacher n’a rien à craindre», pour justifier la surveillance de plus en plus envahissante de nos vies. Cet argument est non seulement dangereux, mais en plus malhonnête et pleutre.
Dans les commentaires sur le billet d’hier à propos de la base d’ADN annoncée des Suédois, cet argument est régulièrement revenu -l’efficacité de l’application de la loi devrait toujours primer dans la société. C’est une tournure d’esprit très dangereuse. Il y a au moins quatre manières de rejeter cet argument solidement :
- Les règles peuvent changer
- Ce n’est pas toi qui détermine si tu es coupable
- Les lois doivent pouvoir ne pas être respectées pour que la société puisse changer
- La vie privée est un besoin humain fondamental
- Les règles peuvent changer
Une fois que la surveillance généralisée est en place, il est toujours possible que des lois avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord soient mises en place, mais il est trop tard pour protester. Par exemple, vous pourriez vouloir des caméras dans toutes les maisons pour prévenir les violences domestiques, et elles seules. Mais il est possible que demain l’homosexualité devienne un crime, et que les homosexuels soient poursuivis jusque chez eux grâce à ces caméras.
- Ce n’est pas toi qui détermine si tu es coupable
Ce n’est pas toi qui décide si tu as quelque chose à craindre. Tu peux te considérer blanc comme neige, ça ne changera rien. Si vous arrêtez votre voiture dans le Quartier Rouge d’Amsterdam tous les week-ends, les services sociaux peuvent décider de placer vos enfants même si c’est votre grand-mère qui habite là. La prévention routière peut vous enlever le permis parce que vous vous arrêtez au bar trop souvent, même si vous n’y faites que manger la spécialité locale. Comme Kafka n’est jamais loin, les gens commenceront à s’auto-censurer.
- Les lois doivent pouvoir ne pas être respectées pour que la société puisse changer
Une société qui respecte toutes ses lois s’arrête en chemin. Penser que tous les criminels doivent nécessairement finir en prison est dangereux, parce qu’il est tout à fait possible que les criminels soient reconnus pas plus tard que dans les cinq ans qui suivent comme étant dans leur bon droit. Il y a une génération, l’homosexualité était un crime. Avec les moyens de surveillance actuel, il est difficile d’imaginer comment les groupes de lutte pour les droits des homosexuels pouvaient se former sans être directement inquiétés par la police. Plus généralement, les sociétés évoluent, et les lois sont rarement en synchronisation complète avec l’état des mœurs et des us.
- La vie privée est un besoin humain fondamental
Lorsque je ferme la porte de ma chambre, même si rien de secret n’y a lieu, je signifie simplement que je veux être au calme. J’ai un besoin fondamental d’avoir des moments de repos où je ne me préoccupe pas du regard des autres, et la société doit respecter ce besoin. Dans les sociétés qui ne laissent aucune place à l’intimité, les gens y répondent toujours par des subterfuges pour satisfaire à leur besoin d’être «hors-société», donc hors du champ de vue de l’État. Voir cette bande dessinée si vous voulez jouer de rhétorique sur ce point.
Dans tous les cas, la prochaine fois qu’on vous répond «Qui n’a rien à cacher n’a rien à craindre», renvoyez vers cet article.